Construire un dialogue social en entreprise au service de l’humain ET de la performance

Dans leur histoire, il n’est pas rare qu’entreprises ou institutions soient confrontées à des situations rendues inextricables du fait de relations sociales difficiles. Il peut s’agir de conflits sociaux ouverts, larvés, ou encore très présents dans les mémoires. Il peut s’agir d’une incapacité à aborder des changements jugés nécessaires, ou même à proposer des innovations par crainte d’un rejet, d’un blocage, d’un chantage…

S’il n’y a jamais deux situations identiques, certains fils conducteurs peuvent aider à construire et à tenir une démarche de dialogue social porteuse de résultats.

1. Relation Direction – Partenaires sociaux : passer de la « guerre de tranchées idéologique » à un dialogue nécessaire pour avancer et construire demain 

Contrairement à un couple qui peut se séparer, les partenaires sociaux ont l’obligation de continuer à se supporter. Et, pour que l’entreprise ou l’institution puisse évoluer, il lui faut trouver ou retrouver la voie d’un dialogue social productif.

Renouer le dialogue s’avère bien souvent essentiel pour l’entreprise et sa performance, mais aussi pour l’avenir de ses salariés.

Pour cela, il est nécessaire de :

Sortir des discours idéologiques et des postures extrêmes 

Les postures « de principe » sont souvent la cause de situations bloquées, et ne sont pas l’apanage des syndicats. Elles entraînent souvent des positions dures et rigides où chaque partenaire travaille « dans son coin », attend que l’autre « cède » ou « entende raison ».
Aussi, en évitant la confrontation qui ne ferait que durcir les positions et entretenir des discussions stériles, il s’agit de revenir pragmatiquement aux problèmes à résoudre / sujets à traiter. Ceci notamment en :

Sur des projets structurants, il peut être utile de sortir des instances officielles, théâtre des jeux d’acteurs, pour prendre des temps d’échange « adhoc », en collectif comme en bilatéral.

Dans des situations trop « bloquées » ou particulièrement sensibles, l’aide d’un « tiers neutre extérieur » peut être nécessaire pour définir le terrain et les règles sur lesquels les partenaires pourront se retrouver pour construire.

C’était le cas dans un site industriel où la nouvelle direction souhaitait « siffler la fin de la récréation » et remettre de la rigueur dans les relations sociales. Si les dérives étaient réelles, et si les premières actions avaient permis de remettre du cadre, le principal syndicat a fini par… ne plus venir à la table des négociations, empêchant le site d’avancer sur des sujets importants.
En lui faisant prendre conscience que la position unique « on a le droit pour nous » ne permettrait pas de recréer une relation nécessaire, nous avons pu aider la direction à imaginer une solution gagnant/gagnant, et ainsi petit à petit, en choisissant l’ordre des sujets, à relancer les échanges … et permettre la signature de nouveaux accords.

Aborder les changements sous l’angle de la performance globale 

Un des facteurs de blocage du dialogue social réside dans le fait que trop souvent, la direction se focalise sur la dimension économique d’un projet, tandis que les représentants du personnel sont centrés sur sa dimension sociale. Un dialogue de sourds, fait de préjugés sur le « partenaire », peut alors vite s’installer : « ils ne pensent qu’à réduire les emplois » « leur seule obsession c’est l’argent » d’un côté, et « ils ne pensent qu’à dépenser, à protéger leur électorat, à maintenir des acquis devenus intenables » de l’autre. Un face à face qui risque fort de laisser dans l’ombre d’autres dimensions du projet et d’en fragiliser l’exécution.

A l’inverse, aborder les projets de manière concrète en explorant l’ensemble des dimensions – Sociale ET Economique ET aussi Technique, Organisationnellepermet de :

et ainsi, de créer une base de discussion beaucoup plus riche et fructueuse pour le dialogue ; d’autant que la performance sociale – adaptation des compétences aux besoins, accompagnement des collaborateurs et du management, attention portée aux motivations et aux dynamiques d’équipe – constitue un facteur clef de la performance économique.

Cette approche, à initier très en amont dans les projets de changement, permet aussi de sécuriser ces projets. En anticipant, détectant – voire déminant –  leurs différents impacts, on optimise les conditions de réussite.

Passer d’un a priori de défiance à une confiance suffisante pour construire 

La confiance est fragile, rarement complète, toujours à entretenir, mais sans elle peu de choses se feront.

Elle se construit sur la durée et par des actes, en acceptant de :

A chaque étape, il est possible de définir le prochain pas permettant d’accroître le niveau de confiance.

Concrètement, il nous arrive régulièrement de faire travailler chaque partenaire sur le « thermomètre » de la maturité des relations sociales. Véritable révélateur des points forts – et il y en a ! –  et des « précipices », cet outil aide à renforcer les premiers et à consolider, pas à pas, la construction d’un futur commun, au bénéfice de chacun.

2. Associer dès que possible encadrement et acteurs terrain aux travaux 

Pour améliorer une relation tendue ou « cristallisée », la première étape repose sur une écoute sincère : une écoute pour entendre, pour comprendre l’autre (ou les autres), celui qui part d’une position très éloignée de la nôtre.

Dans cette logique, un travail limité à une relation face à face Direction – Organisations Syndicales est généralement réducteur. Ce canal est certes nécessaire pour coordonner les échanges, les travaux, les progrès, mais il ne suffit pas pour intégrer les enjeux de toutes les parties.

Ainsi, si le sujet les impacte, il est fortement recommandé d’impliquer l’encadrement intermédiaire et terrain, mais aussi l’ensemble du personnel. Ceci nous apparaît d’autant plus important qu’au bout du bout, ce sont eux qui vivront au quotidien les nouvelles organisations.

L’encadrement, par sa proximité – souhaitable ! -, par sa capacité à relayer, par sa position lui permettant d’entendre et de comprendre les enjeux de chacun, est un acteur potentiellement précieux : modérateur, témoin actif, coordonnateur, animateur … Il est  possible de le former, de l’outiller, pour lui permettre de mieux jouer et oser assumer ces rôles.

Quant au personnel opérationnel, dans la mesure où les démarches sont coordonnées, il sera d’un apport essentiel pour que les décisions fassent avancer les vrais sujets.

Au-delà, encadrement et personnel opérationnel jouent un rôle régulateur vis-à-vis du binôme Direction / OS, que le souci d’enjeux supérieurs, l’éloignement du terrain et/ou la volonté d’en découdre, détournent parfois de l’intérêt bien compris de l’établissement.

Sur l’un des sites avec lequel nous avons travaillé par exemple, les relations sociales semblent traitées uniquement par le DG et la DRH.

Lors de l’arrivée d’un nouveau DG, rapidement suivie par le remplacement de la DRH, le nouveau binôme n’a pas le crédit de confiance suffisant pour débloquer des sujets complexes et tendus avec les partenaires sociaux. La cartographie des acteurs a été élargie à certains encadrants du site, qui bénéficiaient d’une reconnaissance des équipes et d’une ancienneté leur permettant de connaître personnellement les représentants du personnel. Nous leur avons ainsi permis de construire un collectif DG/DRH/encadrants crédible et « entendable », avec des leviers plus forts auprès du personnel, qui a pu, lui, discuter efficacement avec les élus pour déboucher sur des accords bons pour le site, la direction et les syndicats.

3. L’anticipation : un facteur de réussite important pour la construction du dialogue social 

Tout d’abord, c’est en période de « paix », de climat moins tendu, qu’il est le plus facile de construire un a priori de confiance ou, tout au moins, de l’initier en développant des relations saines et une compréhension mutuelle des enjeux et des limites de chacun.

Ensuite, le calendrier social est clé : Négociation Annuelle Obligatoire, renouvellement d’accords, projets d’entreprise, échéances clés, fluctuations de charge, saisonnalité de l’activité, élections… certaines composantes sont subies, figées ; d’autres peuvent être aménagées, repositionnées.

Il est donc souvent possible d’anticiper et de planifier à l’avance les futurs accords / négociations en identifiant les impacts en termes de résultats / enjeux bien-sûr, mais aussi sur le plan des conditions et du timing qui permettront de construire plus sereinement.

De plus, entretenir ce calendrier social court/moyen/long terme pousse au gagnant/gagnant plutôt qu’au vainqueur/vaincu-futur revanchard…

Ainsi, travailler ce calendrier bien en amont, et donner la possibilité à chaque partenaire (dirigeants, représentants, encadrement, terrain) d’être vraiment acteur, sont deux leviers essentiels pour créer une dynamique sociale pérenne. 

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